La gestion des combustibles nucléaires usés après leur déchargement des réacteurs est l’un des problèmes les plus critiques du cycle du combustible. Actuellement 6 500 t/an de combustibles usés sont déchargées des 438 réacteurs (ref : AIEA y.c. Japon) dans le monde. De l’ordre de 385 000 t ont été déchargées de 1970 à 2015 et les prévisions de l’AIE, dans un scénario 2°C, sont de 700 000 t de combustibles déchargés de 1970 à 2040 (ref : World Nuclear Outlook 2014).
Dès leur déchargement du réacteur, les assemblages de combustibles usés sont stockés dans la piscine du réacteur pour refroidissement. Leur destination finale est, soit d’être stockés directement dans des installations souterraines après avoir été conditionnés pour répondre aux critères internationaux concernant les stockages finaux, soit d’être dirigés vers des installations de retraitement des combustibles afin de récupérer les matières valorisables et de conditionner les résidus avant leur stockage final.
Entre la sortie de la piscine réacteur et le stockage final, il peut s’écouler de nombreuses années, voire des dizaines d’années, pendant lesquelles d’importantes quantités de combustibles usés attendent dans des stockages intérimaires longue durée le moment d’être dirigés vers le retraitement différé ou le stockage direct final. Cette phase doit respecter les critères de sûreté de l’AIEA et le maintien de l’intégrité du confinement afin d’assurer sans défaillance la protection du public et de l’environnement des radiations et de la contamination.
Le stockage intérimaire longue durée des matières irradiées.
L’histoire du stockage intérimaire longue durée a commencé il y a plusieurs décennies par l’utilisation de piscines (wet storage). C’est une application sûre et bien maîtrisée par les opérateurs, permettant une surveillance sans faille du comportement des assemblages ou des containers de matières. En revanche, cette application fait appel à des moyens mécaniques et hydrauliques exigeant un support humain permanent de haut niveau.
Le stockage à sec (dry storage) est venu plus récemment concurrencer le stockage en piscine. Les installations sous gaz présentent des avantages certains lorsqu’elles sont associées au transport des matières et requièrent moins de moyens opérationnels. En revanche, le retour d’expérience de cette application n’est pas aussi complet que celui du stockage en piscine. En particulier, la surveillance de l’évolution des matières et de leur confinement et notamment la récupération et le conditionnement de ces matières en fin de stockage n’ont pas encore atteint le niveau de maturité et de confiance de celui des piscines.
On retiendra que l’emprise au sol d’une piscine est plus petite que celui d’un stockage à sec, que la durée de vie espérée d’une piscine est de 50 à 60 ans et que la flexibilité d’utilisation est plus grande en termes de volume et de variétés de matières à stocker.
Caractère passif des installations nucléaires
Depuis l’accident de Fukushima, l’utilisation de systèmes passifs dans les installations nucléaires destinés à protéger les installations et les opérateurs et donnant à ceux-ci le temps d’intervenir en cas d’événement imprévu interne ou externe est de plus en plus souhaitée par les investisseurs. L’industrie nucléaire considère que les systèmes passifs peuvent contribuer à maintenir l’intégrité d’une installation et son niveau de sureté en cas d’événement imprévu interne ou externe.
Dans le domaine du stockage en piscine des matières nucléaires irradiées, AREVA NP GmbH a commencé les études de recherche et développement il y a plus de 30 ans et a mis en service en 2008, dans la centrale nucléaire de Gösgen en Suisse, la première installation de ce type qui fonctionne depuis presque 10 ans à la satisfaction de son exploitant.
Comparée à une piscine classique, le principal avantage est dans la sureté des opérations. La conception des systèmes passifs permet de maintenir un fonctionnement normal du refroidissement quelles que soient les circonstances normales, dégradées ou accidentelles, sans intervention des opérateurs.
Les opérations et la maintenance de ces installations se trouvent améliorées par la simplicité des installations et le nombre réduit d’équipements (pas de diesel de secours ni de composants actifs). Nous ne disposons pas de données précises sur le coût complet investissement-exploitation des piscines passives mais il est permis de supposer une réduction significative de ce coût comparé à celui des piscines classiques.
Poursuivre les études techniques et économiques de développement pour que les piscines passives deviennent un outil indispensable et sûr pour la gestion des combustibles usés et des autres matières irradiées apparaît être une voie très prometteuse.
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